guyane

La visibilité, oui. La stigmatisation, non.

Déclaration intersyndicale de Guyane la 1ère au CSE Central du 25 mai 2021

Est-ce cela le journalisme ? Voilà l’une des nombreuses interpellations du public de Guyane après le reportage incluant un extrait de magazine sorti de son contexte, diffusé dans le journal du soir de France 2 le vendredi 21 mai 2021 intitulé « Guyane : Les réfractaires à la vaccination ». Un questionnement vis-à-vis des professionnels que nous sommes d’autant plus légitime que Laurent Delahousse annonce un reportage réalisé avec les équipes de Guyane la 1ère. Ce n’est pas la première fois, loin de là, que les traitements des sujets concernant nos territoires par la rédaction nationale sont sujets à caution.

Comment comprendre en effet qu’un sujet aussi important que la vaccination, traité sous plusieurs angles depuis des mois par les journalistes de la rédaction locale, soit ainsi exposé avec une imprécision qui confine pour certains au mépris.

Ainsi dans le reportage du 20 heures, largement diffusé sur tout le territoire on met en exergue un motif de frein à la campagne de vaccination évoquée par Guyane la 1ère parmi d’autres : « la crainte de se transformer en cheval » et « d’être stérile » ajoute France 2.

Ces propos ont été compilés avec l’extrait d’un magazine, totalement sorti de son contexte, pour expliquer que certains élus du territoire étaient anti-vaccin.

Or si le discours « d’avoir le libre choix de se faire vacciner ou pas » est effectivement assumé par des responsables politiques comme Mme. Marie-Laure Phinéra-Horth, sénatrice de Guyane, c’est avec d’autres arguments que l’élue a indiqué qu’elle « n’ira pas se faire vacciner pour le moment». L’invitée précise, douter de l’efficacité du vaccin mais pas pour le motif indiqué dans le sujet dans un raccourci malheureux. Mme. Phinera-Horth intervenait sur notre plateau dans le magazine Politik’Hebdo pendant 45 minutes, au cours duquel elle a abordé plusieurs thématiques liées aux actualités locales et à son travail de parlementaire».

Donc, il n’y avait pas lieu d’associer les rumeurs, les fake news, les prétendus effets indésirables du vaccin aux propos d’une invitée qui ne souhaite pas se faire vacciner.

La course au buzz est-elle devenue la nouvelle ligne éditoriale ? C’est à se poser la question car de tels raccourcis ne peuvent qu’interpeller.

Des questions que se pose toute une population suite à la diffusion d’un sujet jugé stigmatisant à l’encontre de toute une région qui doit déjà faire face aux mesures spécifiques prises pour les voyageurs en provenance de ce territoire au nom de la prévention contre le variant brésilien de la Covid-19.

Loin de rendre compte de la réalité du terrain dans parfois ses paradoxes, le sujet de France 2 assure le buzz au détriment de la vérité.

Pour rappel, la Guyane s’est globalement montrée bon élève dans le respect depuis plus d’un an sans discontinuer des mesures de déconfinement successives tout en gardant une relative défiance vis-à-vis des autorités sanitaires.

Le  reportage  choisit  la  voie  de  l’amalgame  dans   son   traitement   de l’information. L’honnêteté requérant notamment d’exclure toute représentation partiale des faits.

Est-ce que la charte d’éthique professionnelle des journalistes annexée à l’accord collectif du 28 mai 2013 est toujours appliquée ?

France Télévisions conformément aux engagements du Pacte pour la visibilité se doit de renforcer la représentation des Outre-mer et non pointer du doigt ces régions et collectivités déjà mal comprises.

Les organisations syndicales de la station attirent l’attention sur la nécessaire qualité du traitement des informations concernant nos territoires car cette visibilité accrue ne doit pas aboutir par des manquements répétés à une stigmatisation des populations ultramarines.

Doit-on rappeler que France Télévisions se donne pour mission de renforcer le lien entre les individus ?

La visibilité c’est bien mais il ne faudrait pas qu’elle rende invisible davantage les auteurs des reportages des rédactions régionales au profit des chaînes nationales.

En effet, les reportages issus des stations sont souvent diffusés avec une autre voix, sans trop de changement dans le commentaire, avec nos images et nos interviews sans citer les auteurs de manière systématique. Cela a été dénoncé dans d’autres instances et cela continue.

Pourquoi ce traitement différencié alors  que  « Nous  sommes  tous  de  France Télévisions ? » Cette visibilité promue dans le verbe depuis plusieurs années ne doit pas conduire à déformer ou décontextualiser les propos des personnes qui acceptent de venir sur nos plateaux comme ce fut le cas du reportage diffusé le 21 mai sur France 2.

Les sections syndicales de Guyane la 1ère (CFDT, FO, SNJ, UNSA-SRCTA, UTG CSA-CGT) dénoncent avec force ces errements éditoriaux qui favorisent les pires clichés sur la Guyane.
Ils entament l’image du groupe France Télévisions dans nos régions et par-delà, de la profession de journaliste, auprès d’une large part de nos téléspectateurs.

Nous ne pouvions, nous, professionnels de Guyane la 1ère, ne pas faire cette nouvelle alerte pour une juste représentation de la diversité, une égale attention à la qualité du traitement   de   l’information   et   une    véritable    considération    pour    le    travail des journalistes locaux.

Nous  demandons  que  ce  point  soit  traité  à  la  prochaine  « commission  déontologie journalistes » prévue le 14 juin 2021 dans le calendrier social.

Les représentants des syndicats CFDT, FO, SNJ, UNSA-SRCTA, UTG CSA-CGT à Guyane La 1ère

Texte lu en CSE central le mardi 25 mai et adressé le même jour à :
Mme. Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions,
Laurent Guimier, directeur de l’information de France Télévisions
Sylvie Gengoul, directrice du pôle Outre-Mer
Laurent Corteel, directeur de l’information du pôle Outre-Mer
Muriel Barthélémi, directrice régionale de Guyane La 1ère
Sidibé Pallud, rédacteur en chef de Guyane La 1ère Personnel de Guyane La 1ère
Personnel de Guyane La 1ère

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