Ceci n’est pas un tract mais l’expression libre d’un salarié car, en tant qu’organisation syndicale, nous estimons que tous les points de vue peuvent être exposés.
Aussi loin que je remonte, j’ai toujours connu un grand laxisme en matière sanitaire à France 3 : tout le monde tombait malade, nous nous succédions sur les mêmes postes de travail sans la moindre mesure d’hygiène. On tombait malade et on guérissait, c’était admis. Au printemps 2020, suite à la pandémie de Coronavirus, France 3 déclenche un plan de lutte contre… contre quoi en fait ?
Trente ans d’expérience m’ont appris que la personne qui prétend faire mon bien est rarement désintéressée, et qu’elle lorgne souvent sur mes biens, ce qui m’appartient. En pratique, on utilise une injonction contradictoire : sous couvert de libéralisme : « Prenez des initiatives », mais soucieuse d’une maîtrise absolue : « Obéissez ! ».
Or, pour quelqu’un qui a connu des stations gérées par des ingénieurs assez débonnaires, gestion qualifiée en droit de « père de famille », la perversité d’une direction vous délivrant des injonctions contradictoires n’est pas une notion facile.
Aujourd’hui, elle est la règle : soit vous ne faites rien et votre direction vous accuse de manquer d’initiative, soit vous agissez en suivant votre conception de la responsabilité et la même direction vous décrit comme un électron libre, une personnalité nocive, incapable d’intégrer une dynamique collective.
Dans les deux cas :
1°) accuser
2°) culpabiliser
3°) exclure
Résultat : infantilisme, toute-puissance et désagrégation de l’esprit de groupe. Crise de Covid – 19 : au motif de protéger les salariés, la direction met en œuvre un plan de lutte locale contre la pandémie. Tous les salariés fragiles sont renvoyés chez eux.
Dans mon cas, on « me demande de demander un arrêt de travail » à mon médecin. L’arrêt dure deux mois et demi, à la demande de ma direction et des responsables me serinent qu’ils font ça « pour mon bien ». Or, mon bien, dans ce cas précis, c’est que la Sécurité Sociale paye mon salaire pendant deux mois et demi. « Pour mon bien » signifie donc que France 3 a économisé mon salaire sans parler des commentaires agressifs me signifiant qu’ils avaient été bons à mon égard, eux, si soucieux de me protéger et que j’étais bien ingrat d’être si peu reconnaissant.
Pour reprendre mon travail, la même direction exige un certificat de mon médecin certifiant que « je veux reprendre le travail contre la volonté de ma direction. » La phrase m’a été dite à l’oral. Le médecin m’a fait remarquer qu’on était loin de toute légalité.
En parallèle, la direction impose dans toutes les stations un protocole sanitaire dont la sévérité dépasse ce qui se pratique dans les hôpitaux. Interdiction de se parler. Régie interdite d’accès. Multiplication des interdits. Parcours obligatoires fléchés : des personnes néophytes en matière de santé nous prescrivent désormais ce qui est bon pour notre santé (précision : à la suite d’un cancer, mon immunité est diminuée, et j’applique mon propre protocole sans mon encadrement. Mais les entendre me donner des conseils pour ma santé relève d’une ironie dont ils ne se rendent même pas compte). Au contraire : des pressions, des interdits de se parler, et des avertissements pour un écart minime aux ordres. Un cadre me dit une phrase historique : « le bon sens ne suffit pas ».
S’il n’y a plus de bon sens, c’est qu’il ne reste que l’autre, le perverti, la volonté sourde d’infantiliser, d’isoler, de culpabiliser, mais pour quel dessein lumineux ?
Contexte électoral interne : le renouvellement de la direction a été conditionné. Le gouvernement exige une diminution de la masse salariale soit un départ de mille personnes non remplacées. Ce plan, qui a connu un mauvais départ, pourrait voir ses statistiques monter en flèche : la pandémie de Coronavirus, associée à la sévérité accrue du protocole sanitaire qui fait qu’à France 3, on a l’impression qu’on est toujours le 9 avril, le jour où plus de mille deux cents personnes sont décédées du covid-19, joue sur le moral des troupes.
Or, même le premier ministre a expliqué le 2 juin, que le plan de déconfinement consistait à reconquérir progressivement les libertés perdues pendant l’urgence. À France 3, c’est l’inverse, on accroît chaque jour les pressions sur le personnel, et les protocoles dont la stupidité cède devant l’autorité avec laquelle on les impose.
Les salariés sous contrainte sont des personnes en bonne santé, qui croisent des personnes en bonne santé, et qui se font engueuler par une direction rayonnante de santé : le protocole sanitaire de France Télévisions est devenu un outil de communication, élaboré par des gens en bonne santé, pour des gens en bonne santé.
Par contre, tous les autres, les fragiles, ceux qui arrivent en bout de parcours, découragés par cette brutalité, cette violence consistant à systématiquement détourner la moindre action positive en un outil répressif, produit du découragement et des cascades de départ en retraite de salariés lassés d’être sous pression autoritaire et abusive.
En France où l’épidémie régresse, le seul endroit où l’on maintient un protocole sanitaire sévère sera France Télévisions. N’a-t-on pas vu un responsable programmer un parcours à sens unique en plein air ? Au moins, l’arbitraire et la stupidité nous permettent de désespérer de notre avenir… et notre direction pourra espérer être reconduite dans des brillantes fonctions qu’ils ont si bien employées !