Les rentrées se suivent et se ressemblent à France Télévisions. La grande faucheuse poursuit sa moisson. Les émissions historiques passent à la broyeuse, les salariés pas dans la courbure prennent la porte ou un arrêt de travail pour burn-out. Et ceci touche parfois les couches supérieures de la Direction, c’est dire le malaise…
L’information continue d’être réduite à feu vif. Seuls quelques oiseaux du privé avalent encore goulûment de juteux morceaux de chair sur la carcasse. D’abord, bien sûr, il y a Tempo. Peut-être une erreur de frappe. Sans doute s’agit-il de « Ta Peau » que Delphine Ernotte s’est jurée d’avoir en pensant à la rédaction nationale de France 3. Chaque rédaction à son identité, sa vie, son œuvre. Celle-ci, on a commencé par l’hybrider avec les voisins de la 2, puis on lui a supprimé son Soir 3, dernière édition de la nuit sur les grandes chaînes publiques françaises à laquelle l’audience de France Info le soir n’est toujours pas comparable. Ou comment perdre des téléspectateurs de manière irréversible. À tel point que l’édition du Soir 3, transférée sur France Info a depuis disparu. Une preuve supplémentaire de la politique de la terre brûlée.
Aujourd’hui c’est la peau du 12/13 et du 19/20 qu’on arrache. L’ambition, si nos dirigeants faisaient de la télé, si c’était leur métier, aurait pu être de développer une nouvelle formule d’édition nationale des régions, qui fasse le lien du local à l’international. Il paraît que nous sommes depuis 25 ans maintenant dans une société mondialisée. On aurait pu y voir du sens. On n’y verra que du feu et des cendres. Au lieu de quoi, on charge un peu plus la barque des régions, on met à l’index des salariés techniciens, administratifs, et bien sûr journalistes du 12/13 et du 19/20, on les somme, on les enjoint, on les culpabilise. Car une fois de plus le message que l’on envoie aux salariés est : la télé c’est fini, rentrez chez vous par le bus de la RCC.
Surtout on passe par-dessus bord un rendez-vous aimé des téléspectateurs, un rendez-vous historique de la télé publique, une équipe et finalement une culture.
Il en sera de même pour « Des Chiffres et Des Lettres » dont L’équipe s’est faite virer en 15 minutes chrono comme des traders de Goldman-Sachs. Pour Arielle et Bertrand, une crise des sous-primes, 35 et 40 ans de CDD et des indemnités qu’il faudra aller chercher aux prud’hommes. Cela en dit long sur l’estime que Delphine Ernotte et son orchestre portent donc aux serviteurs du service public que nous sommes. Nous avons trouvé cet aphorisme pour rendre plus compréhensible notre mission aux étages supérieurs.
Car pour elle et eux, les serviteurs du service public ne se nomment pas Arielle, Bertrand, Gérard, ou Brigitte mais plutôt Éléphant ou Tartempion Prod. Ceux qui ont entièrement produit l’anniversaire de France2, présenté par un animateur-producteur et une présentatrice joker du JT chez nous mais qui cachetonne chaque jour à la radio et pour qui donc l’inflation concerne surtout ses émoluments.
Un des nombreux exemples du système de castes et de cases qui préside aujourd’hui à la marche de France Télévisions. On nous présente une parade des brahmanes quand le bas peuple, lui, se contente des miettes et des coups de pied au cul. Car il est bien connu que l’inflation touche la France entière et l’Europe mais pas France Télévisions…
Prenons l’exemple du plus bel échec télévisuel de ces dernières années: « Hôtel du temps » de Thierry Ardisson. Des millions dépensés pour des acteurs et un animateur qui, tout simplement, jouent mal. Une catastrophe d’audience et financière. On se demande ce que l’unité de programme concernée en a pensé au premier visionnage. On arrive à un peu plus de 1€ le spectateur. Mais bon, on a le droit de se planter. Thierry Ardisson, lui, a non seulement le droit de se planter mais de persévérer, puisque d’autres épisodes sont en préparation. Quelle générosité ! Quelle patience de France Télévisions ! Il faut dire qu’Ardisson a dit tellement de bien de notre présidente durant sa campagne de réélection. Ça mérite un peu d’indulgence.
Indulgence dont le 12/13 et le 19/20 n’auront pas bénéficié, malgré une audience solide plus de quatre décennies durant.
Deux castes, deux poids, deux mesures, sous le régime autoritaire et donc incompétent qui nous conduit. Qui nous conduit où d’ailleurs ? Quelqu’un aurait-il une idée ?