On nous a d’abord dit « ceux qui m’aiment prendront le train, en seconde ». Et logeront le matériel dont ils sont responsables, comme ils peuvent. Puis on nous a dit, « ceux qui veulent une avance de frais prendront la carte corporate mais en leurs noms et risques propres ». On veut donc faire croire que le débit différé des dépenses équivaut à la même somme créditée sur notre compte.
On nous a dit, cette carte corporate est personnelle. Mais les données sont consultées par la direction et même apparaissent dans le nouveau logiciel de traitement des frais de mission. Ce sont donc des données strictement privées, d’un compte dont le salarié est légalement responsable mais dont la confidentialité est régulièrement violée. On connait même des cas de responsable de la comptabilité appelant un salarié pour vérifier une dépense privée qu’il avait effectuée quelques heures plus tôt :
« – Cette carte n’est pas faite pour acheter un pull. Ce n’est pas prévu pour ce genre de dépenses.
– En quoi ça vous regarde, c’est moi qui l’alimente ce compte !
– Mais c’est une carte de l’entreprise
– Non elle est à mon nom et vous n’avez pas le droit de regarder sur mon compte… »
Fin de la retransmission mais preuve que Big Brother, nous a à l’oeil.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin. Voici Concur, logiciel de SAP, une boîte allemande, qui vient nous remettre dans le droit chemin, celui du bureau. Attendre que le N+1 ait pensé à valider la mission, prendre ses justificatifs en photo mais tout garder, pour, au retour, les rendre comme avant, mais en plus, (par exemple rentrer manuellement, minutieusement, le jour, les heures des taxis et si le chauffeur ne les a pas renseignés, on fait au pif), soumettre au N+1, au bureau des missions, à la compta, s’apercevoir une semaine plus tard, qu’il manque une virgule et que tout le dossier repart pour un tour.
Un casse-tête qui devient un véritable enfer pour ceux qui enchaînent les missions ou rentrent de missions longues. Mais comme l’a dit une conseillère Concur « ils peuvent remplir leurs dossiers de frais dans le train ! ». Oui on peut, mais quand on fait un aller-retour dans la journée, on peut dormir aussi, ou faire autre chose, genre des mails ou passer des coups de fil. Dans l’ensemble, une mission moyenne demande plus ou moins une heure de travail supplémentaire au salarié qui l’a engagée (quand on maîtrise), pour la compléter sur ce nouveau logiciel, avant de s’apercevoir en fait, qu’il est juste à deux doigts de Concur.
Voilà donc des salariés de plus en plus absorbés dans des tâches administratives, éloignées de leur métier et donc improductives. Des heures qui serviront de justificatifs pour supprimer des postes et rendre le travail plus complexe et surtout plus fliqué.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin. La Direction va officialiser dans les jours qui viennent, une décision qui vient d’être prise : fin du lissage des frais à partir du 1er avril prochain. Auparavant quand on mangeait un sandwich à midi pour 5 €, par manque de temps, on pouvait reporter le « manque à manger », sur le repas du soir et diner pour 30 ou 35 € par exemple. Ce qui correspond en fait à un diner normal dans la plupart des grandes villes. Un usage qui permettait de compenser un inconfort et d’offrir un peu de bien-être aux équipes en mission. Ce luxe accordé aux « privilégiés » qui « partent en voyage », c’est terminé, il faudra se contenter de 21 € et donc se débrouiller pour manger pour cette somme à chaque repas…
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin… La Direction va aussi officialiser la fin des frais de mission au forfait à l’étranger à compter du 1er juillet. C’est bien sûr le fruit des infos récoltées par Big Brother et qui voit que dans certains pays, la Direction peut économiser des frais. Ce que Big Brother ne veut surtout pas voir, ce sont les pays où il faut jongler pour au final mal se loger, mal manger. Sans compter que le forfait quand il n’est pas « consommé » en entier compense le nombre d’heures effectuées sur ce type de tournage.
En somme, la Direction s’engage dans un système qui sera parfois équitable, mais généralement défavorable au salarié. Elle compte sur la lassitude et l’étouffement administratif pour que chacun d’entre nous laisse filer, 5€ par-ci, 12€ par-là.
Ainsi, l’UNSA soumet l’idée suivante : que tous les salariés soumis à la carte Corporate, à CONCUR et aux nouvelles normes de frais, demandent à repasser aux heures. Comme ça au moins le temps passé à ces balivernes sera payé et comptera vraiment. La Direction, doit comprendre que les bons deals sont ceux où chacun y gagne, pas où un seul y gagne.
Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que France Télévisions paie le juste prix pour les missions. Simplement, ce juste prix, en 2019, il est bien supérieur à 49,40 € en France ou 74, 92 € sur facture, ou encore 107 € sur facture à Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg. Les périodes hors salon, hors vacances scolaires, hors haute saison sont de plus en plus rares.
Ceux qui calent les missions passent des heures de recherches et de calculs en amont pour essayer de respecter ces plafonds obsolètes.
Voici donc un système dont le seul résultat sera encore une fois, d’emmerder toujours plus ceux qui produisent de la télévision ou doivent partir en mission pour accomplir leur tâche. Chacun en tirera sa morale. Nous y reviendrons…
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